Elle s’en souvient avec émotion
Après près de quatre décennies à informer les Québécois avec rigueur, humanité et constance, Sophie Thibault s’apprête à tirer sa révérence. Cette semaine marque le début d’une retraite bien méritée pour celle qui est devenue, en 2002, la première femme en Amérique du Nord à présenter seule un bulletin de nouvelles en fin de soirée.
Une pionnière, une figure rassurante, une voix familière dans nos foyers. Chaque soir, elle a su incarner le calme au cœur de la tempête, portant les grands bouleversements de l’actualité avec une sensibilité discrète, mais profonde.
Depuis ses débuts à Télé-Métropole en 1988, elle a su gagner la confiance du public et bâtir une carrière exceptionnelle, marquée notamment par neuf trophées Artis.
Mais derrière cette image de solidité journalistique se cache aussi une femme sensible, parfois rongée par le doute.
Comme le rapporte Étienne Paré dans un article pour La Presse, peu de gens savent qu’en 2001, alors qu’elle animait les bulletins de fin de semaine, Sophie avait sérieusement envisagé de tout abandonner.
Épuisée, désillusionnée par un rythme de vie éreintant, elle songeait à retourner aux études en psychologie. Elle se sentait à bout, privée de vie personnelle, incapable de retrouver un équilibre.
Ce n’est qu’après le choc du 11 septembre et le tumulte dans les salles de rédaction qu’elle a retrouvé la flamme. La gravité du moment lui a rappelé l’importance de son rôle et la valeur de l’information. Et, lorsqu’une opportunité s’est présentée, elle a osé : malgré son manque de confiance, elle a levé la main pour le poste de cheffe d’antenne du 22 h.
Ce choix audacieux a changé sa vie. Philippe Lapointe, alors patron de l’information à TVA, lui a tendu la main. À une époque où la crédibilité d’un bulletin passait encore trop souvent par un visage masculin, il a cru en elle.
Sophie Thibault s’en souvient avec émotion : cet appui a été un tournant. Elle a brisé un plafond de verre, souvent avec peu de reconnaissance au départ, mais avec une ténacité admirable. Son parcours n’a pas été un long fleuve tranquille. Elle a croisé des machos, affronté les doutes, et dû s’imposer là où on ne l’attendait pas.
Tout au long de sa carrière, elle a navigué avec dignité dans un monde parfois rude, affrontant les regards sceptiques, les préjugés, les critiques. Mais elle a toujours tenu bon, avec une élégance tranquille et une force intérieure admirable. Elle a ouvert la voie à d’autres femmes dans le métier, tout en restant profondément elle-même : authentique, professionnelle, et toujours soucieuse de bien faire.
Alors qu’elle nous quitte, une page importante de l’information télévisée se tourne. Il est difficile d’imaginer le téléjournal sans sa présence posée, sans sa voix qui, soir après soir, nous a accompagnés dans l’actualité. Elle va profondément nous manquer. Pas seulement comme journaliste, mais comme repère, comme visage familier de nos soirées.
Sophie Thibault n’a jamais cherché à être une vedette, et c’est sans doute ce qui l’a rendue si précieuse.
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