Il raconte ses derniers moments avec lui
Alors qu’il vivait l’un des beaux moments de sa carrière en étant en nomination pour un Gémeaux grâce à son rôle intense de Jean-Claude Marquis dans Indéfendable, Mario Saint-Amand traversait en parallèle une épreuve bouleversante : la perte de son père, Guy.
Cet heureux aboutissement professionnel s’est donc entremêlé avec une grande tristesse personnelle, créant pour l’acteur une période riche en émotions contradictoires.
Comme il en parle dans une entrevue avec le magazine 7 Jours, quelques jours avant le gala, Mario avait rendu visite à son père à l’hôpital. Conscient que la fin approchait, il a ressenti le besoin de lui offrir des paroles d’apaisement. Affaibli par la maladie, atteint de démence et d’un cancer des intestins, son père n’était plus en état de répondre.
Mais Mario est convaincu qu’il l’entendait malgré tout. Il lui a alors dit qu’il avait le droit de se laisser aller, de quitter la souffrance, de trouver enfin la paix. Ces mots, livrés avec tendresse et douleur, ont représenté pour lui une manière d’accompagner son père dans ce dernier passage. « Je sentais qu’il était encore là, même s’il ne bougeait pas. Je savais qu’il m’écoutait », confie-t-il avec émotion.
Lorsque son père s’est éteint, le comédien a dû faire face à une réalité brutale. Le dimanche du gala, alors qu’il s’apprêtait à enfiler son complet pour assister à la cérémonie, il a reçu l’appel de sa belle-mère confirmant son décès.
C’est donc avec le cœur lourd qu’il a foulé le tapis rouge, partagé entre le chagrin et une forme de soulagement de savoir son père enfin libéré de la maladie. « Si j’avais remporté un trophée ce soir-là, il aurait été pour lui », avoue-t-il, la voix étranglée par l’émotion.
Ce deuil a ravivé une blessure plus ancienne : celle de ne jamais avoir entendu son père lui dire clairement qu’il était fier de lui. Adolescent, Mario avait quitté la maison à 16 ans, en désaccord avec un père qui rêvait pour lui d’une carrière d’avocat plutôt que d’acteur.
Ce silence a longtemps pesé sur lui. Pourtant, à travers diverses confidences et témoignages reçus après son décès, l’acteur a découvert des preuves discrètes mais réelles de cette fierté. Son père l’avait défendu auprès de membres de la famille qui doutaient de ses capacités, affirmant sans détour qu’il était fier de ses études universitaires et de son implication sociale.
Encore plus marquant, Mario a appris que son père avait joué un rôle insoupçonné dans son entrée dans le milieu artistique. À la fin des années 1980, alors qu’il venait d’être exclu de l’école de théâtre parce qu’on jugeait sa voix inadaptée, il avait failli tout abandonner.
Mais, à son insu, son père avait sollicité l’aide de Benoit Mailloux, qui travaillait alors à l’administration du Théâtre de Quat’Sous. Grâce à cette démarche, Mario avait pu rencontrer Paul Buissonneau, une rencontre déterminante qui avait changé le cours de sa vie. Ce dernier, impressionné par son potentiel, avait facilité sa découverte par Janette Bertrand, qui lui confia par la suite son premier grand rôle à la télévision.
Cette révélation, qu’il n’a apprise qu’après la mort de son père, a bouleversé Mario. Derrière le silence d’un homme d’une génération peu habituée aux grandes démonstrations affectives se cachait en réalité un soutien discret mais essentiel. Comme si son père avait trouvé ses propres manières, plus subtiles, de lui transmettre sa confiance et son admiration.
Dans ses derniers mois, son père lui avait aussi confié quelques pans de son passé insoupçonnés. Il avait révélé avoir déjà pratiqué le théâtre et même fait partie d’une fanfare. Pour Mario, ce détail a soudain renforcé l’idée d’un lien profond et inattendu entre eux : l’amour des arts, transmis presque en secret.
Aujourd’hui, l’acteur porte ce bagage comme une force nouvelle. Même s’il n’a pas entendu directement les mots qu’il espérait toute sa vie, il sait que son père croyait en lui et qu’il a, dans l’ombre, contribué à son parcours. « C’était un homme qui ne disait pas tout haut ce qu’il ressentait, mais ses gestes parlent encore pour lui », souligne-t-il.
Le récit de Mario Saint-Amand illustre à quel point les relations entre pères et fils peuvent être complexes, tissées d’attentes, de malentendus, de silences… mais aussi d’amour, parfois exprimé autrement.
Aujourd’hui, il choisit de garder de son père le souvenir d’un homme qui, malgré ses réserves et sa pudeur, lui a ouvert des portes et transmis un héritage qu’il chérit plus que jamais.
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