Béatrice Picard s'éteint à l'âge de 96 ans

C'est une triste nouvelle que nous apprenons ce mardi 9 décembre alors que le Québec pleure aujourd'hui la perte de l'une de ses plus grandes dames de la culture. Béatrice Picard, véritable doyenne des comédiennes québécoises s'est éteinte à l’âge vénérable de 96 ans. Celle qui aura marqué le paysage artistique d'ici pendant plus de sept décennies laisse derrière elle un héritage immense et une leçon de vitalité inoubliable.

Jusqu'à la toute fin, Béatrice Picard aura mordu dans la vie. Il y a quelques années à peine, elle confiait avoir encore « 20 ans dans son cœur » et refusait de songer à la mort, de peur que cela ne l'empêche d'avancer. Cette soif de vivre s'accompagnait d'un rituel touchant : chaque matin, elle visualisait « un petit bonheur », une image lumineuse pour entamer sa journée.

Malheureusement, la santé de la comédienne avait décliné récemment. Bien qu'elle ait tenté de rassurer le public en parlant de simple surmenage, son corps n'avait plus la force de combattre, l'obligeant à annuler à regret sa participation à la tournée de la pièce Huit Femmes. Pour cette femme de projets, qui craignait plus que tout l'inactivité, ce fut un déchirement.

De Miss Radio-Télévision à Marge Simpson

Née dans le quartier La Petite-Patrie à Montréal en 1929, Béatrice Picard a traversé les époques. Sa carrière a pris son envol dès les débuts de la télévision de Radio-Canada en 1952, année où elle fut couronnée « Miss Radio-Télévision ». Le grand public l'a d'abord adoptée grâce à son rôle d'Angélina Desmarais dans Le Survenant.

Au fil des ans, elle est devenue un visage incontournable du petit écran, excellant particulièrement dans la comédie. On se souvient d'elle dans Cré Basile, Symphorien, Les Brillant ou encore Un gars, une fille. Pour les plus jeunes générations, elle demeurera à jamais l'incomparable voix québécoise de Marge Simpson, un personnage qu'elle a doublé de 1989 à 2023. Sa feuille de route est vertigineuse, comptant plus de 250 productions et une quarantaine de films et téléséries, incluant une apparition récente dans District 31.

Une reconnaissance douce-amère

Malgré l'amour inconditionnel du public, Béatrice Picard portait une blessure secrète : le sentiment de ne pas être pleinement reconnue par ses pairs comme une grande actrice dramatique. Longtemps cantonnée aux rôles de femmes sévères ou de belles-mères acariâtres, elle voyait les grands rôles tragiques du répertoire filer vers d'autres comédiennes.

Il lui aura fallu attendre les années 1970 et sa rencontre avec le tandem Michel Tremblay et André Brassard pour démontrer l'étendue de son registre dramatique, notamment dans À toi, pour toujours, ta Marie-Lou. Plus tard, elle brillera au théâtre chez Duceppe, compagnie fondée par son grand ami Jean Duceppe qu'elle surnommait affectueusement « Dudu », notamment dans la pièce Harold et Maude en 2017.

Une femme libre et engagée

Au-delà de l'artiste, c'est la femme avant-gardiste que l'on salue aujourd'hui. Rebelle et indépendante, Béatrice Picard a élevé quatre fils hors mariage dans le Québec conservateur des années 1950 et 1960, bravant les tabous de l'époque. Son grand cœur l'a aussi poussée à s'impliquer socialement. Elle a longtemps été la porte-parole de l'organisme Les Petits Frères, luttant contre l'isolement des aînés, une cause qui lui était chère.

Son amie France Castel résume bien l'esprit de cette grande dame : une « force de la nature », curieuse et dotée d'une immense ouverture d'esprit. Aujourd'hui, une étoile s'est éteinte, mais la couleur qu'elle a apportée à notre culture, elle, ne pâlira jamais.

En terminant, voici un extrait de l'une de ses plus récentes entrevues alors qu'elle s'est entretenue avec André Robitaille à On va se le dire:

Toute l'équipe de Monde de Stars offre ses plus sincères condoléances aux amis et à la famille de Béatrice Picard.